La Première Guerre mondiale : 1914 - 1918

Le Musée de l'Armée est fier, à juste titre, de sa collection de la Première Guerre mondiale. Par son importance et son originalité, elle peut être considérée comme l'une des plus importantes au monde. Hormis la Bulgarie et la Grèce, notre collection évoque tous les pays belligérants. Pour certains d'entre eux (Belgique, Allemagne, Siam (Thaïlande), Japon, Portugal, Russie), elle présente une valeur exceptionnelle, unique au monde, irremplaçable, et constitue dès lors une référence pour d'autres musées. Mais cette particularité ne nous empêche pas d'acquérir sans cesse de nouvelles pièces se rapportant à la Première Guerre mondiale.

L'originalité de la collection réside également dans l'association d'objets illustrant tous les aspects de la guerre : canons, avions, véhicules blindés, armes, uniformes, éléments de protection et d'équipement. Les divers médias contant le déroulement de la guerre forment également une partie importante de notre collection. Affiches originales, photographies, peintures, dessins et sculptures viennent non seulement compléter notre riche collection, mais constituent une source en soi.

Le manque de place nous interdit évidemment de présenter la collection dans son ensemble. Nous avons essayé de sélectionner les objets les plus spectaculaires et significatifs, également les plus aptes à évoquer les événements de la Première Guerre mondiale. Nous espérons qu'en dépit de ces lacunes, notre choix vous aidera à mieux comprendre la lutte entre les grandes nations, la vie et la mort de centaines de milliers de soldats et la souffrance endurée par la population.

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Les nouvelles technologies : la mitrailleuse

La puissance de feu de l'infanterie s'est considérablement accrue durant la deuxième moitié du 19e siècle. Ce phénomène est dû à l'introduction du fusil à répétition et du canon rayé. Les rayures dans le canon augmentent la portée et la précision et permettent un tir ciblé sur une plus longue distance. La baïonnette est une arme d'intimidation et demeure l'indispensable prolongement pour les combats corps au corps. Mais la cadence de tir reste toujours faible.

Dès le 19e siècle, on développe toutes sortes de méthodes pour accroître la cadence de tir. Le Belge Montigny invente le canon de la mitrailleuse tirant plusieurs projectiles à la fois. L'invention de la mitrailleuse automatique, tirant les balles les unes à la suite des autres, est à mettre au nom de l'Américain Maxim qui, vers 1885, élabore un prototype. Vickers, Hotchkiss, Lewis, Scharzlose entre autres ne font qu'imiter et perfectionner l'idée originale. Bien que des types de mitrailleuses à commande manuelle existent déjà auparavant, la nouveauté consiste dans le fait que le gaz libéré par la détonation sert également à recharger l'arme automatiquement. Etant donné son poids supérieur, elle est posée sur un affût à trois ou quatre pieds et est refroidie par eau. Sa cadence de tir est d'environ 600 coups minute.

La mitrailleuse sonne le glas de la tactique d'infanterie appliquée au 19e siècle. Dès les premiers combats en 1914, la capacité défensive de la mitrailleuse devient évidente. Sa puissance de feu considérable lui permet d'arrêter les attaques d'infanterie de grande envergure et oblige les fantassins à se mettre à couvert, de sorte que l'élan initial de l'assaut est brisé. Cependant, les mitrailleuses ne sont pas efficaces en toutes circonstances. Etant donné leur poids et leur encombrement, ces armes ne sont pas assez mobiles et doivent être servies par plusieurs hommes. Elles se révèlent d'ailleurs inadéquates pour armer des avions. Après la guerre, on développera une version allégée, la mitrailleuse légère. Contrairement à la mitrailleuse lourde, elle est généralement refroidie par air, dispose de chargeurs et, au lieu d'un affût, de deux petits appuis avant. Beaucoup plus légère, cette arme peut être utilisée par un seul homme disposant ainsi d'une impressionnante puissance de feu.

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L'artillerie dans la Première Guerre mondiale

Artillerie est le nom générique qui désigne des armes non-portables allant du crapouillot (petit mortier de tranchée) au lourd canon monté sur rails, pouvant peser jusqu'à 30 tonnes et plus. Durant la deuxième moitié du 19e siècle, l'efficacité du canon est considérablement améliorée étant donné :

  • 1. la généralisation du canon rayé dès 1858;
  • 2. le remplacement de l'obus sphérique par un cylindre conique chargé d'explosifs;
  • 3. la mise au point d'explosifs brisants vers 1885.

Les projectiles – en l'occurrence les obus-torpilles – deviennent tellement puissants qu'ils peuvent détruire n'importe quel fort construit en béton non armé.

Au début de la Grande Guerre, grâce son grand nombre de mitrailleuses, mais aussi une artillerie plus lourde et plus conséquente, l'Allemagne dispose d'une puissance de feu nettement supérieure, qui lui permet de mener une «Blitzkrieg» avant la lettre. Contre l'infanterie, on utilise principalement l'obus à shrapnel et l'obus à gaz; contre les forts et les constructions ce sont principalement les obus brisants qui sont employés.

L'utilisation stratégique de l'artillerie évolue tout au long des quatre années de guerre.

En 1914, les forts entourant Liège, Dinant et Anvers sont contraints de se rendre à cause du bombardement incessant de l'artillerie de siège, la plus lourde dont dispose l'armée allemande, les fameuses "Grosses Bertha" d'un calibre de 420 mm. Les alliés ne peuvent opposer de riposte sérieuse à ce type de canon.

En 1915, les Britanniques sont les premiers à faire précéder leurs actions par un tir d'artillerie de grande envergure, suivi de l'assaut de l'infanterie. Il n'est pas rare de voir 7.000 canons engagés simultanément. Le tir d'artillerie dure parfois des jours afin de briser complètement la résistance de l'ennemi. En 1917, les Britanniques tirent près de 4.300.000 obus pour préparer la bataille de Passendale.

A partir de 1917, les Allemands changent de tactique. Au lieu de plusieurs jours de tir d'artillerie, permettant ainsi à l'ennemi de deviner qu'une offensive se prépare, le tir d'artillerie est limité à quelques heures, après quoi l'infanterie monte à l'assaut, soutenue par un tir de barrage. Les observations aériennes ont cependant permis d'accroître considérablement l'efficacité des tirs d'artillerie.

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Les nouvelles technologies : le gaz

Le 22 avril 1915, les Allemands utilisent, pour la première fois dans l'histoire, le gaz à Poelkapelle près d'Ypres. Il s'agit d'une zone contrôlée par des Français et des Canadiens. Ne se doutant de rien, les troupes sont totalement prises au dépourvu. En proie à la panique, elles refluent en désordre quelques kilomètres plus loin. Les Allemands stupéfaits et également pris de court par le succès de leur nouvelle arme, n'enregistreront qu'un gain territorial limité.

Des buses en plomb conduisent les gaz comprimés dans des bonbonnes jusqu'aux lignes ennemies. Une fois libéré, le vent doit amener les gaz toxiques au-dessus des positions ennemies. Plus tard, on passe au bombardement chimique d'une zone ennemie à l'aide d'obus, de grenades et de projectiles de mortiers remplis de gaz.

Le chlore est le premier gaz utilisé. Il agit directement sur les voies respiratoires et provoque une lente asphyxie. Dès juillet 1915, on emploie également des gaz phosphoriques et lacrymogènes. Les effets de ce dernier, toux, éternuements et larmes sont plutôt limités et de nature passagère. En juillet 1917, le gaz moutarde est utilisé pour la première fois, à nouveau dans les environs d'Ypres. Il s'agit d'un gaz sulfureux à base de dichlorure et d'alcool, également appelé ypérite, d'après le nom de la ville où il a été employé pour la première fois. Ce gaz mordant, aux effets particulièrement douloureux, affecte les muqueuses et provoque des brûlures pouvant aller jusqu'au troisième degré.

Passé le choc des premières attaques au gaz, les scientifiques cherchent des moyens de protection pour les hommes et les animaux. Les premiers masques sont particulièrement simples et peu efficaces: une étoffe imprégnée de liquide recouvrant uniquement la bouche et le nez. Cette forme de protection se révélant insuffisante - les yeux demeurant sans protection – les chimistes et les industriels continuent de chercher de meilleures méthodes. On met au point des masques et des bonnets en cuir ou en caoutchouc, pourvu d'un réservoir contenant les produits chargés de filtrer, d'absorber ou de neutraliser l'air contaminé. Au front, on place des postes de guet particulièrement chargés de donner l'alarme en cas d'attaque au gaz en utilisant tous les instruments possibles – du gong en passant par le tambour jusqu'à la sonnette électrique – afin que les soldats aient le temps de mettre leur masque.

Malgré les terribles conséquences résultant d'une attaque au gaz, son emploi ne sera jamais décisif. Le gaz n'est pas massivement utilisé et un son efficacité dépend également de facteurs extérieurs comme le vent.

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Nouvelles technologies : les chars d'assaut

Dès le début de la guerre, les Anglais font appel à des tracteurs à chenilles pour déplacer leurs pièces d'artillerie. Ils utilisent également des véhicules blindés munis de mitrailleuses. Afin de briser l'immobilisme du front et de permettre aux troupes de repartir à l'assaut, les alliés mettent au point un véhicule blindé à chenilles. Capable de rouler sur tous les terrains et offrant une protection à l'équipage, il allie la mobilité avec la puissance de feu de l'artillerie et de la mitrailleuse. Ces véhicules reçoivent le nom de code "tank", mot anglais signifiant "réservoir". Ce nom, principalement destiné à tromper les espions ennemis, sera cependant conservé.

Les Britanniques sont les premiers à développer un tel véhicule de combat. Il est engagé pour la première fois en septembre 1916, sur le champ de bataille de Bapaume, en France. Les Français leur emboîtent le pas avec une version plus légère, le Renault FT17, engagé lors de l'offensive finale en 1918. Le véhicule blindé allemand n'arrivera que plus tard, mais ses dimensions imposantes le rendront peu maniable au combat.

Bien qu'ils surprennent et créent la panique, les chars d'assaut ne réussissent jamais à forcer une victoire, principalement parce qu'ils sont engagés en petit nombre, comme appui pour l'infanterie. En novembre 1917, à Cambrai, les Anglais parviennent à effectuer une percée par un engagement massif de véhicules blindés, mais leur victoire n'est cependant pas décisive. Le 24 avril 1918, Villers-Bretonneux dans la Somme sert de théâtre à la première vraie bataille de chars qui se termine par une victoire alliée. Dans l'ensemble, les chars d'assaut n'ont pas marqué un grand tournant dans le déroulement de la guerre 1914 –1918. Les véhicules blindés sont trop lents et trop lourds – ils peuvent peser jusqu'à 28 tonnes – et leur fiabilité est compromise par des pannes et des lacunes techniques.

En 1940, les Allemands démontreront cependant à quel résultat éclair un déploiement de blindés bien pensé peut aboutir sur un champ de bataille : der Blitzkrieg.

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Les nouvelles technologies : l'aviation

Avant la Première Guerre mondiale, l'aviation militaire n'en est qu'à ses premiers balbutiements, mais les états-majors verront très vite quel rôle l'aviation peut jouer dans le cadre d'une guerre moderne.

Très rapidement, les avions sont utilisés pour des missions de reconnaissance, réalisées à l'aide d'appareils photographiques et de postes de radio. L'aviation jouera également un rôle important dans l'observation des positions et des activités ennemies ainsi que dans la préparation des tirs d'artillerie. Ces missions requièrent des appareils lents et stables, désarmés au départ. Les Allemands confient initialement ces missions à leurs fameux zeppelins. On construit également des avions de chasse, chargés non seulement d'escorter des avions amis en territoire ennemi, mais aussi de détruire en vol les éventuels avions ennemis. En général, le camp qui possède le plus grand nombre d'avions de chasse gagne la partie. Très vite, le haut commandement réalise également l'intérêt stratégique d'attaquer les bases et les usines où sont construits les avions de chasse.

Pour terminer, apparaissent les avions bombardiers qui effectuent des attaques stratégiques sur les grandes villes, usines, nœuds de communication et mouvements de troupes. Les premiers bombardiers sont en réalité des avions biplaces de reconnaissance assez lents, d'où les pilotes lancent des flèches d'acier, des grenades et même des pierres. La fin de la guerre voit apparaître de vrais bombardiers qui peuvent emporter des bombes allant jusqu'à 250 kg. Les avions ne sont cependant pas encore une arme décisive dans le déroulement de la guerre: les opérations aériennes sont plutôt spectaculaires qu'efficaces. Mais, à l'instar d'autres armes apparues lors de la Première Guerre mondiale, elles serviront de modèle pour l'avenir.

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Les uniformes

Des innovations techniques viennent inverser la fonction initiale de l'uniforme et notamment la reconnaissance à distance. Le passage de l'arme à silex à poudre noire vers l'arme avec percuteur et poudre vive est à la base de l'abandon, dès la deuxième moitié du 19e siècle, des uniformes traditionnellement colorés au profit d'équipements moins voyants. La coupe est également adaptée. L'introduction du kaki, dont l'usage est initialement réservé aux troupes coloniales britanniques, est prescrit à l'ensemble de l'armée britannique dès 1902. D'autres pays lui emboîtent le pas: en 1907, les troupes russes optent pour le kaki, suivies par les Italiens en 1909 et les Allemands dès 1910. En 1914, l'armée belge et l'armée française sont encore équipées de leurs vieux uniformes du 19e siècle. Le fantassin belge porte une tunique bleue foncé, un pantalon gris, une capote et un shako comme couvre-chef. Les troupes françaises, associant par tradition le bleu et le rouge, sont particulièrement visibles et vulnérables au feu de l'ennemi.

Les circonstances de la guerre obligent l'armée belge à se moderniser. Les lourds manteaux de soldat, le couvre-chef ennuyant et les mauvaises chaussures à lacets font souvent l'objet de plaintes. A cause de la retraite accélérée, d'importants stocks d'uniformes et pièces d'équipement ont été abandonnés et l'arrivée de nombreux volontaires vient accentuer l'urgence de disposer de nouveaux habits. Un nouvel uniforme est introduit au printemps de 1915. Les premières recrues équipées de kaki sont envoyées au front au début de juillet 1915. Les habits sont de couleur kaki et d'inspiration britannique. Le casque Adrian, remplaçant le "képi de l'Yser" introduit en octobre, est à nouveau emprunté aux Français et constituera désormais un élément indispensable de l'équipement personnel de protection contre les tirs d'artillerie.

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