_________________________________________________________________ Dragon 15 juillet 1918, l'attaque des 5ème et 6ème Régiments de Grenadiers Allemands _________________________________________________________________ [20_05_00.gif] 1 - Situation du 27 au 31 mai 1918. 2 - Assauts des 5ème et 6ème Grenadiers Allemands le 15 Juillet. 3 - Destruction du pont de Mézy. 4 - Le bataillon Guesdon du 2ème R.I.. 5 - Reprise de la boucle de Jaulgonne. _________________________________________________________________ Rassemblement devant l'église de Jaulgonne Rassemblement àJaulgonne [image02.jpg] [image03.jpg] _________________________________________________________________ Premier exposé au dessus de Jaulgonne [image04.jpg] A près la première bataille de la Marne en septembre 1914, le front s'est stabilisé à une cinquantaine de kilomètres au nord de la rivière sur la ligne du CHEMIN DES DAMES. Brusquement le 27 mai 1918, les Allemands lancent une très violente offensive sur ce front. Surpris nos défenseurs français et britanniques sont bousculés et contraints au repli dans un désordre plus ou moins grand, entraînant avec eux les civils qui évacuent leur village. Les Allemands aussi sont surpris par la facilité avec laquelle leurs assauts ont enlevé nos défenses. Ils s'engouffrent dans les brèches, dispersent leurs efforts pour élargir le front d'attaque. Le 30 mai, ils atteignent la Marne à Mont-Saint-Père et Jaulgonne et le 31 mai occupent toute la rive nord de Château-Thierry à Verneuil. A bout de souffle l'offensive vient s'échouer sur la rivière. Personne ne prétendra s'en attribuer le mérite de l'avoir arrêtée. La nouvelle ligne de front, ainsi créée, qui forme une poche dont le fond est limité par la Marne, le nord-ouest par la forêt de Villers-Cotterêts, le nord est par Reims et sa montagne, ne peut en rester là. Il est évident que d'autres batailles devront s'y dérouler. Jean Vedovati présente les combats de 1918 [image05.jpg] [coule218.gif] Jaulgonne et la Marne [image06.jpg] Nous rentrons dans le bois ... [image07.jpg] [image08.jpg] Sortie du bois ... [image09.jpg] LES 5ème ET 6ème REGIMENTS DE GRENADIERS ALLEMANDS, LE 15 JUILLET 1918. Le champ de bataille est situé sur la vallée de la Marne entre Mont-Saint-Père, à l'ouest et Jaulgonne, au nord-est. La rive nord de la rivière est tenue par les Allemands. Les hauteurs sont boisées, les pentes abruptes plongent dans la rivière. La rive, face à Mont-Saint-Père et Chartèves aux environs de Mézy, est une plaine absolument plate. Vers le nord-est, c'est plus vallonné. Au centre, le Surmelin, affluent de la Marne, son cours venant du sud-sud-est, son lit est fortement encaissé. La rive sud de la Marne est tenue par la 3ème D.I. Américaine. La plaine est en culture, les pentes sont en prés, vergers, vignes, friches, bois et bosquets. Depuis le 1er Juin les adversaires sont face à face sans combat d'infanterie. Seuls des tirs d'artillerie harcèlent les positions adverses. 5ème REGIMENTS DE GRENADIERS ALLEMANDS Le 5ème Régiment de Grenadiers Allemands appartient à la 36ème division et le 6ème à la 10ème. Pour l'offensive du 15 juillet 1918, leur mission est de franchir, de vive force, la Marne entre Mont-Saint-Père et Varennes et de remonter le Surmelin, sur les deux rives, aussi loin que possible en direction de Montmort, Le 5ème par la rive droite, le 6ème par la rive gauche. Il s'agit de deux bons régiments qui ont l'expérience de quatre ans de guerre mais aussi la fatigue. L'offensive réussie, à laquelle ils ont participé et qui les a conduits sur la rive nord de la Marne, leur a donné un fort moral et de bons espoirs d'autant plus que l'offensive qu'ils doivent mener, maintenant, doit être la dernière, celle qui va donner la paix. Les troupes ont été entraînées à la guerre de mouvement et d'infiltration et, tout dernièrement, aux franchissement, rapide, des cours d'eau. Ils n'ont devant eux que des Américains inexpérimentés. Effectivement, en face d'eux, sur la rive sud de la Marne, la 3ème D.I. Américaine est en position, elle est arrivée dans ce secteur depuis début juin. Bien sûr, elle n'a pas encore l'expérience de la guerre mais ses troupes sont formés de solides gaillards bien nourris et bien équipés au tempérament audacieux, voire téméraire. Il en est de même pour l'encadrement de cette jeune armée. Cette 3ème D.I. U.S. dispose d'un effectif considérable et de matériel neuf. A titre comparatif, situation de l'armement le 15 juillet, 38ème Corps d'Armée : 3ème D.I. U.S. : 18815 fusils, 72 canons de 75, 36 de 155 39ème D.I. Française : 5980 fusil, 33 canons de 75, 13 de 155. De plus, l'artillerie du Corps d'Armée, 112 canons. Les divisions allemandes ont des effectifs à peu près semblables aux divisions françaises. Le 6ème Régiment de Grenadiers Allemands va affronter le 30ème R.I. U.S. et le 5ème le 38ème R.I. U.S.. Cette offensive allemande du 15 juillet a été préparée avec un maximum de discrétion et de précautions afin de surprendre les Alliés. Du côté des Alliés, différentes sources de renseignements permettent de penser, avec une forte probabilité, que l'offensive aura lieu sur un double front : de Fossoy à Saint Euphraise, d'une part et du Fort de la Pompelle à la Main de Massiges, d'autre part. Dans la soirée du 14 juillet, le 5ème Régiment de Grenadiers s'avance et se positionne sur sa ligne de départ dans le Bois du Champ Plumet au sud-ouest de Jaulgonne. Déjà, dans la nuit, certains éléments s'égarent et éprouvent des difficultés à se joindre à l'ensemble. Brusquement, à 1 heure (0 heure, heure allemande, il y a 1 heure de différence), un très violent tir d'artillerie provenant de la 3ème D.I. U.S. mais aussi du 38ème Corps d'Armée, s'abat sur les Allemands qui sont nombreux sur les lieux. Déjà les pertes sont importantes et le trouble certain. Dix minutes plus tard toutes les pièces allemandes ouvrent le feu à leur tour, la vallée devient un enfer. Il est maintenant trois heures du matin et sous les obus et tirs de mitrailleuses il faut passer la Marne et donner l'assaut contre les Américains, sur la rive opposée. Le 1er Bataillon qui est à droite s'engage vers la rivière. Dans un creux, passage obligé, un tir bien ajusté s'abat sur la colonne occasionnant de nombreux morts parmi lesquels le capitaine, la troupe se disperse. Le détachement d'assaut et de lance-flammes qui l'accompagnait, reçoit à son tour, une salve. La batterie d'artillerie d'accompagnement s'engage dans le passage étroit, elle subit le bombardement et est détruite. Une compagnie tente de franchir la Marne, mais n'y parvient pas. Le bataillon est démoli, ses débris ne seront rassemblés que le lendemain sans avoir participé à l'assaut. Le 3ème Bataillon, à gauche du 1er peut, non sans difficultés, traverser la rivière. Puisque aussitôt il est accroché, par des résistances U.S., dans de rudes combats qui vont jusqu'au corps à corps. Il arrive toutefois à avancer, les pertes deviennent lourdes. Le 2ème Bataillon, à gauche du 3ème, prévu en tant que réserve, passe la Marne en même temps et participe avec le 175 IR à la prise de Varennes et à la capture de 40 soldats U.S.. Ces deux bataillons déjà fortement diminués, progressent, franchissent la route de Varennes - Moulins. La droite n'est pas couverte, puisque le 1er Bataillon qui devait y être n'a pu traverser; aussitôt, à l'ouest du Surmelin, le 6ème Grenadiers n'y est pas non plus. C'est alors que de ce côté les troupes U.S. surgissent et attaquent avec fureur. De part et d'autre, les pertes sont grandes. Le 5ème Grenadiers a deux compagnies de fauché. Il est obligé d'effectuer un crochet défensif face à l'ouest et d'arrêter sa progression en direction du Moulin Ruiné. Le barrage roulant s'avance et n'assure plus la couverture. Résignés, les rescapés se retranchent derrière la ligne de chemin de fer. Dans l'après-midi quelques éléments se réinstalleront, en défensive sur les pentes au-delà de la route nationale. L'assaut du 5ème Grenadiers a échoué et c'est alors qu'on se rend compte que la 6ème Compagnie a disparu. Où est passé la 6ème Compagnie ? Elle est commandée par le lieutenant Oberg. Comme ses collègues il a reçu pour mission de s'avancer vers le sud sans trop se préoccuper des liaisons à droite et à gauche. Après avoir franchi la Marne, il s'avance, comme les autres compagnies des 2ème et 3ème Bataillons. Quand les Américains contre-attaquent et que les deux bataillons s'établissent en arc de cercle, il n'est pas touché par les ordres et continuent sa progression vers le sud en suivant, tant bien que mal le barrage roulant, et en combattant plusieurs fois des groupes U.S. sur les hauteurs est du Surmelin. Au cours de sa progression il aperçoit sur les pentes opposées de la rivière de fortes colonnes allemandes avançant également vers le sud. Alors, tout va bien ! (Ces colonnes allemandes aperçut par le Lieutenant Oberg étaient, en réalité, des colonnes de prisonniers pris par les Américains et envoyé vers l'arrière. Cette erreur, le Lieutenant Oberg ne fut pas le seul à la commettre notre aviation de reconnaissance, elle aussi les a aperçues et les signale comme "de fortes colonnes allemandes s'avancent pour attaquer le Bois de la Jutte.") Toutefois, il envoie, plusieurs fois des estafettes en arrière et sur ses côtés afin de recevoir des informations et des ordres, aucune ne revient. Les blessés sont renvoyés en arrière, les tués inhumés sommairement; La petite troupe voit fondre ses effectifs. Après avoir laissé Paroy sur sa droite, la 6ème Compagnie aperçoit de fortes troupes américaines qui se déploient, alors la compagnie s'organise défensivement sur un mouvement de terrain approprié et maintient sa position malgré plusieurs attaques U.S.. Les pertes continuent, les munitions s'épuisent, des quatre mitrailleuses légères, du départ, il n'en reste que deux, les deux autres sont hors service. Avec soulagement, le Lieutenant Oberg et sa troupe voit la nuit venir et vers 22 heures, aussitôt après avoir tiré quelques rafales de mitrailleuses, la 6ème Compagnie parvient, discrètement, à s'éloigner vers l'arrière et parvient à rejoindre les ligne de la 36ème D.I. Allemande. Aucune estafette n'était parvenue jusqu'à l'état-major. De cette compagnie il ne reviendra que le lieutenant, 6 sous-officiers et 17 hommes. Dans l'après-midi de cette sanglante journée les débris du 5ème Grenadiers sont donc établis en défensive à l'est du Surmelin, à son confluent avec la Marne et sur les pentes en direction du Moulin Ruiné. Les rescapés du 6ème Grenadiers, dès la tombée de la nuit après cette effroyable et hallucinante journée vont se hâter de repasser sur la rive nord de la Marne. Les troupes U.S., aussi, vont se replier, laissant cette plaine en no man's land. No man's land, pas tout à fait, car dans leur effroi, leur précipitation, les soldats du 6ème Grenadiers ont laissé, les morts sans sépultures, mais plus encore abandonnés à leur sort, les blessés. [grenadi2.gif] 6ème REGIMENTS DE GRENADIERS ALLEMANDS Commandant du régiment : Major Grussdorf, commandant le 1er Bataillon : Chef d'Escadron von Scheven, commandant le 2ème : Major Rissmann, commandant le 3ème : von Khosigk. Le 6ème Grenadiers a pour mission de passer la Marne et de s'avancer le plus loin possible vers le sud par la rive gauche (ouest) du Surmelin. Au départ il doit s'emparer du terrain de part et d'autre de Mézy. Sur la rive sud de la Marne, là où le 6ème Grenadiers doit commencer son assaut, le terrain est absolument plat, la seule surélévation est le talus en remblai de la voie ferrée qui le traverse, d'ouest en est. Ce talus est à quelques centaines de mètres au sud de la rivière. Plus au sud, encore, une ligne de petits bois. Les 30ème et 38ème R.I. U.S. y sont établis avec des éléments avancés sur la Marne, d'autres retranchés derrière la voie ferrée, puis une ligne de soutien sur la ligne des bois. La ligne de résistance passe par le Bois d'Aigremont - Connigis. Successivement, dans l'ordre 1, 2, 3, les bataillons traversent la Marne à l'aide de bateaux pontons sans trop de casse. A 3 heures 40, alors que von Scheven (1er bat.) qui est sur la rive sud donne l'ordre à sa 2ème compagnie de nettoyer les abords, le major Rissmann du 2ème Bataillon qui a autorité sur lui et qui vient d'arriver lui donne l'ordre de s'avancer sur le talus de la voie ferrée sans se préoccuper des éléments U.S. qui sont sur le flanc gauche, le major Rissmann s'en occupera. Le 1er Bataillon à 3 heures 45 s'avance vers le talus. La 2ème Compagnie l'atteint mais éprouve des difficultés à l'occuper. La résistance U.S. y est très forte. Dans l'obscurité on se bat à la grenade et au pistolet. Finalement les éléments avancés de la compagnie y prennent pieds. Des groupes de combat de la 4ème Compagnie tentent sans succès d'élargir vers la gauche. Au 2ème Bataillon, la 7ème Compagnie après son passage de la Marne est soumise à de violents tirs de mitrailleuses lui occasionnant des pertes nombreuses dont son chef le Lieutenant Meyer, c'est alors le Vize Feldwebel Müller qui en assure le commandement, il reçoit alors une balle dans le cou puis une autre dans la poitrine. Le commandement de la Compagnie revient alors à l'Aspirant Zielcke âgé de 17 ans. A 5 heures, le Major Grussdorf et son état-major viennent de s'établir sur la rive sud. La rive sud de la Marne de part et d'autre du confluent du Surmelin est toujours tenue par des éléments américains. Le Major Rissmann ne les a pas éliminés. Le jour se lève. Tout le terrain situé entre le talus et la rivière est battu par de nombreuses mitrailleuses U.S. installées aux abords du Surmelin mais aussi depuis les hauteurs est de Moulins. Elles prennent de flanc et même dans le dos les 1er et 2ème Bataillons du 6ème Grenadiers. Ceux des éléments appuyés sur le nord du talus reçoivent des rafales dans le dos s'ils tentent de passer sur le côté sud ils sont pris par des rafales de face. A 5 heures, toujours, un tir de mortier et de lance-grenades s'abat pendant 15 à 20 minutes, sur la partie du talus tenue par les Grenadiers. Ce tir est immédiatement suivi d'une contre-attaque U.S.. Après un corps à corps une partie des Grenadiers est anéantie. Quelques uns tiennent encore un certain temps puis finissent, eux aussi, par succomber dans des combats individuels d'une rare violence. Devant les 1er et 2ème Bataillons, le talus qui domine la plaine est maintenant entièrement aux mains des Américains. Le flanc gauche, côté Surmelin est aussi U.S., dans le dos est la Marne et maintenant il fait jour. Pris de face, de flanc et même de dos les Grenadiers s'aplatissent dans les blés et pommes de terre. Certains ont trouvé une protection bien illusoire dans un petit fossé naturel qui court au sud-est/nord-ouest vers la Marne. Chaque homme qui tant soit peu se relève est immédiatement abattue par des tirs de fusils ou rafales de mitrailleuses. Chacun s'attend à l'assaut des Américains. Le temps est long, l'atmosphère angoissante. Au 3ème Bataillon, la situation n'est pas plus enviable. Après avoir franchi la Marne, ses groupes d'assaut avancés, opérant de part et d'autre de Mézy atteignent le talus de la voie ferrée, s'en emparent de vive force. Après avoir regroupé et remis de l'ordre dans les unités, la progression en direction de Crézancy s'effectue. C'est alors que brusquement les Américains contre-attaquent. Les combats violents deviennent confus. Les hommes se tuent à bout portant, s'achèvent. Les Américains prennent le dessus. Le 3ème Bataillon ne peut se dégager. La plus grande partie de son effectif survivant est capturée, y compris l'état-major. Un tir de barrage allemand finit par stopper l'ardeur des Américains. La bataille se calme. Avec angoisse les Grenadiers rescapés sur le champ de bataille, ne pouvant bouger, craignant une attaque dont la brutalité et l'issue ne fait aucun doute, n'ont plus qu'à attendre la tombée de la nuit. Les heures sont longues et quand il fait suffisamment obscur, chacun s'empresse de rejoindre et de retraverser la Marne. Les morts sont laissés sans sépulture et bien des blessés abandonnés sans soins. Craignant peut-être de nouveaux assauts qu'ils ne pourraient contenir, les Américains, eux aussi, se sont repliés laissant ainsi pendant plusieurs jours un vaste no man's land qui ne sera réoccupé que le 18 juillet. Le 6ème Grenadiers aurait perdu au cours de ces combats : - 12 officiers, 39 sous-officiers et 173 soldats tués; - 12 officiers ont été blessés; - 400 hommes, environ, ont été faits prisonniers. Le 17 juillet avec les rescapés un bataillon a été reconstitué, le bataillon Scheven comprenant 14 officiers et 234 hommes ! Le 30 mai, la déclaration du Commandant Guesdon du 2ème R.I., fait prisonnier par le 5ème Grenadiers à Jaulgonne était bien prémonitoire. Juste avant la bataille, le Colonel Mc Alexander, commandant le 38ème R.I. U.S., avait déclaré à ses hommes "notre rôle consiste à impressionner, tellement les Allemands, par notre capacité militaire et notre désir de les combattre que leur moral en soit détruit". Ce 15 juillet, devant son front, ce fut amplement réalisé. Sources de documentation : Archives du S.H.A.T., Vincennes; Historiques des 5ème et 6ème Régiments de Grenadiers Allemands traduit par Hermann Plote; "Les Sammies" de Laurent Stallings; ... Exposé au dessus de la Marne ... [image10.jpg] _________________________________________________________________ Suite de la Randonnée du 15 juillet 1918, après l'attaque des 5ème et 6ème Régiments de Grenadiers Allemands _________________________________________________________________ RETOUR VERS LES ACTIVITES"2000" ET LES ACTIVITES FUTURS _________________________________________________________________