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Des généraux se rebiffent contre Rumsfeld
Philippe Gélie
15 avril 2006, (Rubrique International)
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De prestigieux officiers à la retraite exigent la démission du secrétaire à
la Défense, en dénonçant sa façon de conduire la guerre d'Irak.
Donald Rumsfeld a répondu aux questions de ses détracteurs. La
Maison-Blanche lui a réitéré son soutien. (Photo AP / Heesoon Yim)
SI CE N'EST pas encore un putsch, c'est bien «un quarteron de généraux en
retraite» qui fait publiquement sédition. Ils sont désormais six, avec deux
ou trois étoiles accrochées à leur casquette de général, à se liguer pour
demander la démission de Donald Rumsfeld. Le secrétaire à la Défense a
essuyé d'autres tempêtes, mais la critique des «hommes de l'art» sur sa
gestion de la guerre en Irak porte un coup sévère à la crédibilité de
l'Administration Bush.
Le tir de barrage a été déclenché en mars par le général Paul Eaton dans une
tribune publiée par le New York Times. Cet officier, qui dirigea
l'entraînement des troupes irakiennes jusqu'en 2004, y accuse son ancien
patron de s'être «montré personnellement incompétent, sur les plans
stratégique, opérationnel et tactique. (...) Rumsfeld a mis le Pentagone à
la merci de son ego, de sa vision du monde héritée de la guerre froide et de
sa confiance irréaliste dans la technologie».
Désinvolture et arrogance
Plusieurs anciens poids lourds de l'armée américaine lui ont emboîté le pas.
Début avril, à l'occasion de la promotion de son dernier livre (La Bataille
pour la paix), le général des marines Anthony Zinni, ancien patron du
Central Command, dénonce «les erreurs stratégiques» du ministre de la
Défense, qui devrait «absolument» démissionner.
La semaine dernière, c'est au tour du général Gregory Newbold, directeur des
opérations à l'état-major de 2000 à 2002, de prendre la plume contre
Rumsfeld dans le magazine Time : «Ses erreurs comprennent : la distorsion
des renseignements dans la préparation de la guerre, un micro-management qui
a empêché nos troupes d'avoir assez de ressources pour accomplir leur
mission (...), le déni initial de l'insurrection (...), l'aliénation des
alliés (...)». Il a dénoncé «la désinvolture et l'arrogance» de Rumsfeld.
La charge semble libérer les autres retraités de leurs scrupules. Mercredi,
dans le Washington Post, le général John Batiste, ancien commandant de la
1^re division d'infanterie en Irak, déplore : «Nous avons commencé quelque
chose que nous n'étions pas prêts à finir. (...) Nous avons besoin d'un
nouveau départ (...) d'un chef qui respecte les militaires (...) et qui
comprenne ce qu'est le travail en équipe». Cette voix a un écho particulier
parce qu'elle émane d'un homme qui a eu le courage de ses convictions :
alors qu'on lui offrait une troisième étoile pour retourner en Irak comme
numéro deux du déploiement américain, Batiste a préféré prendre sa retraite
en expliquant qu'il ne souhaitait plus servir sous les ordres de Rumsfeld.
Les dernières cartouches ont été tirées jeudi par deux officiers, le général
John Riggs, ancien responsable à l'état-major de l'armée de terre, et le
général Charles Swannack, qui a commandé la 82^e division aéroportée en
Irak. Se disant favorable à la guerre, ce dernier a dénoncé «la faillite
absolue» de Rumsfeld dans sa direction.
Cela suffira-t-il à déstabiliser le ministre, âgé de 73 ans ? Il avait
révélé l'an dernier avoir, par deux fois, offert sa démission durant
l'épisode désastreux des sévices dans la prison d'Abou Ghraïb. George W.
Bush lui avait «remonté les bretelles» en privé mais lui avait réaffirmé son
soutien en public. A deux doigts d'égaler le record de longévité de Robert
McNamara au Pentagone pendant la guerre du Vietnam, «Rummy» est tellement
identifié à l'invasion de l'Irak que le démettre équivaudrait à un aveu
d'échec. La Maison-Blanche a donc réagi : «Le président considère que Donald
Rumsfeld fait un très bon travail dans une période difficile de notre
histoire.»
Il n'est pas si courant que des officiers, même à la retraite, se dressent
collectivement contre la direction civile des armées. Malgré le malaise que
cela suscite dans les cercles politiques, des voix se font entendre au
Congrès pour souhaiter que l'Administration «tourne la page», à six mois des
législatives de mi-mandat. «Or c'est impossible tant que Rumsfeld est là»,
dit un élu républicain. Mais le secrétaire à la Défense ne trahit aucune
intention de partir. Il a fait monter au créneau le premier des soldats
américains pour blâmer ceux qui attendent de raccrocher l'uniforme pour être
courageux : «Nous avons toujours eu l'opportunité de donner notre avis, a
assuré le général Peter Pace, chef d'état-major interarmes. Et si nous ne le
faisons pas, honte sur nous.»
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De prestigieux officiers à la retraite exigent la démission du secrétaire à
la Défense, en dénonçant sa façon de conduire la guerre d'Irak.
SI CE N'EST pas encore un putsch, c'est bien «un quarteron de généraux en
retraite» qui fait publiquement sédition. Ils sont désormais six, avec deux
ou trois étoiles accrochées à leur casquette de général, à se liguer pour
demander la démission de Donald Rumsfeld. Le secrétaire à la Défense a
essuyé d'autres tempêtes, mais la critique des «hommes de l'art» sur sa
gestion de la guerre en Irak porte un coup sévère à la crédibilité de
l'Administration Bush.
Le tir de barrage a été déclenché en mars par le général Paul Eaton dans une
tribune publiée par le New York Times. Cet officier, qui dirigea
l'entraînement des troupes irakiennes jusqu'en 2004, y accuse son ancien
patron de s'être «montré personnellement incompétent, sur les plans
stratégique, opérationnel et tactique. (...) Rumsfeld a mis le Pentagone à
la merci de son ego, de sa vision du monde héritée de la guerre froide et de
sa confiance irréaliste dans la technologie».
Désinvolture et arrogance
Plusieurs anciens poids lourds de l'armée américaine lui ont emboîté le pas.
Début avril, à l'occasion de la promotion de son dernier livre (La Bataille
pour la paix), le général des marines Anthony Zinni, ancien patron du
Central Command, dénonce «les erreurs stratégiques» du ministre de la
Défense, qui devrait «absolument» démissionner.
La semaine dernière, c'est au tour du général Gregory Newbold, directeur des
opérations à l'état-major de 2000 à 2002, de prendre la plume contre
Rumsfeld dans le magazine Time : «Ses erreurs comprennent : la distorsion
des renseignements dans la préparation de la guerre, un micro-management qui
a empêché nos troupes d'avoir assez de ressources pour accomplir leur
mission (...), le déni initial de l'insurrection (...), l'aliénation des
alliés (...)». Il a dénoncé «la désinvolture et l'arrogance» de Rumsfeld.
La charge semble libérer les autres retraités de leurs scrupules. Mercredi,
dans le Washington Post, le général John Batiste, ancien commandant de la
1^re division d'infanterie en Irak, déplore : «Nous avons commencé quelque
chose que nous n'étions pas prêts à finir. (...) Nous avons besoin d'un
nouveau départ (...) d'un chef qui respecte les militaires (...) et qui
comprenne ce qu'est le travail en équipe». Cette voix a un écho particulier
parce qu'elle émane d'un homme qui a eu le courage de ses convictions :
alors qu'on lui offrait une troisième étoile pour retourner en Irak comme
numéro deux du déploiement américain, Batiste a préféré prendre sa retraite
en expliquant qu'il ne souhaitait plus servir sous les ordres de Rumsfeld.
Les dernières cartouches ont été tirées jeudi par deux officiers, le général
John Riggs, ancien responsable à l'état-major de l'armée de terre, et le
général Charles Swannack, qui a commandé la 82^e division aéroportée en
Irak. Se disant favorable à la guerre, ce dernier a dénoncé «la faillite
absolue» de Rumsfeld dans sa direction.
Cela suffira-t-il à déstabiliser le ministre, âgé de 73 ans ? Il avait
révélé l'an dernier avoir, par deux fois, offert sa démission durant
l'épisode désastreux des sévices dans la prison d'Abou Ghraïb. George W.
Bush lui avait «remonté les bretelles» en privé mais lui avait réaffirmé son
soutien en public. A deux doigts d'égaler le record de longévité de Robert
McNamara au Pentagone pendant la guerre du Vietnam, «Rummy» est tellement
identifié à l'invasion de l'Irak que le démettre équivaudrait à un aveu
d'échec. La Maison-Blanche a donc réagi : «Le président considère que Donald
Rumsfeld fait un très bon travail dans une période difficile de notre
histoire.»
Il n'est pas si courant que des officiers, même à la retraite, se dressent
collectivement contre la direction civile des armées. Malgré le malaise que
cela suscite dans les cercles politiques, des voix se font entendre au
Congrès pour souhaiter que l'Administration «tourne la page», à six mois des
législatives de mi-mandat. «Or c'est impossible tant que Rumsfeld est là»,
dit un élu républicain. Mais le secrétaire à la Défense ne trahit aucune
intention de partir. Il a fait monter au créneau le premier des soldats
américains pour blâmer ceux qui attendent de raccrocher l'uniforme pour être
courageux : «Nous avons toujours eu l'opportunité de donner notre avis, a
assuré le général Peter Pace, chef d'état-major interarmes. Et si nous ne le
faisons pas, honte sur nous.»
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