[title8.jpg] Home|Qui sommes-nous ?| Archives | Liens |Contact | Amis de la belle écriture ou simples curieux, soyez les bienvenus dans L' Atelier du calligraphe Une qualité de vie Lextraordinaire histoire du maire du petit village dAkaba, rendu invalide dans sa jeunesse par larmée israélienne, et qui consacre sa vie au développement de son village. Les voisins répondent par le bruit des tirs et des explosions. Les classes de lécole sont dans la cour de sa maison, le jardin denfants et le dispensaire du village y sont accolés, et en face se trouve la nouvelle mosquée avec son curieux minaret, double et rebelle. Tout ici manifeste un soin comme vous nen verrez pas ailleurs en Territoires occupés. Dans la cour de la maison, parfaitement tenue elle aussi, une maison privée qui fait aussi office décole et de maison du conseil, le chef du conseil du village est assis dans son fauteuil roulant, attendant ses hôtes. Le paysage est superbe. Au seuil de la vallée du Jourdain, au sud-est de Jénine et au nord-est de Naplouse, sétendent des champs verdoyants quune jeep de larmée israélienne traverse, en ravageant les sillons labourés, pour rejoindre le camp dentraînement situé au bout de la vallée. Champ de tir. Dans les bâtiments en béton construits en face du village, larmée israélienne sentraîne au Combat en Terrain Bâti, CTB. Quand ce ne sont pas les jeeps passant dans les champs de blé, ce sont les CTBistes faisant un bruit du tonnerre et leurs explosions terrifiantes qui remontent du camp dentraînement. Plus dun habitant a été blessé ici au cours des ans par les balles perdues de larmée israélienne. Il y a quelques années, un des combats du chef du conseil a été couronné de succès : sur ordre de la cour suprême, a été retiré des limites du village un autre camp dentraînement de larmée israélienne qui, lui aussi, troublait la vie paisible qui se mène ici. Le maire invalide remue ciel et terre, envoie des courriels et donne des coups de téléphone aux quatre coins du monde, appelle le monde à laide pour sauver son village. Résultats sur le terrain : le gouvernement allemand a offert un puits, le gouvernement japonais a offert un dispensaire, les Belges ont offert un jardin denfants, les Britanniques ont installé des poteaux électriques, les Canadiens ont placé une barrière pour le jardin denfants et les Américains ont construit une route. Sur tout cela pèse la menace dordres de destruction émanant de ladministration civile. Mais Sami Sadek nest pas homme à se laisser démonter. A lâge de 16 ans, il a été atteint par trois balles de larmée israélienne qui sentraînait dans les champs du village, et il est depuis lors cloué à son fauteuil roulant. Invalide de larmée israélienne, il ne sest jamais marié et na pas fondé de famille. Lentreprise de sa vie, cest ce petit village, depuis quil y a neuf ans, il a quitté son poste de directeur administratif de lhôpital de Jéricho et quil est devenu le chef du conseil du village. Un petit village avec peu dhabitants : il reste seulement 300 âmes à Akaba, après que 400 habitants en sont partis, Israël nautorisant ici aucune nouvelle construction. Laspect étrange du village reflète son histoire : un espace public pimpant et soigné, à côté de cahutes et de tentes dans lesquelles vivent la plupart des villageois, paysans propriétaires des terres alentours, qui ne sont pas autorisés par Israël à se construire de maisons. Lattachement à la terre prend ici un sens particulier : il ny a pas beaucoup de jardins denfants en Israël ni de salles de classe aussi soignés que ceux que Sami Sadek, le maçon invalide, a établis ici, à Akaba. La belle terre dIsraël. Au sommet du minaret étincelant, deux tourelles pointent vers le haut, pareilles à deux doigts faisant le signe de la victoire. La mosquée dresse ses 42 mètres de hauteur face à la paisible vallée. Depuis son inauguration, au terme dune construction financée par des dons pour un montant de quelque 350.000 shekels [~ 60.000 ], les soldats viennent régulièrement pour photographier ce double prodige avec leur téléphone portable troisième génération. Souvenir dAkaba. « Ça dérange les soldats, ces deux doigts. Le propriétaire du terrain ma dit : je veux que tu construises une mosquée qui nait pas sa pareille dans tout le Moyen-Orient. Les soldats prennent des photos et me demandent pourquoi jai fait ça comme ça. Ils pensent que cest à cause de la victoire, parce que larmée israélienne a dû quitter le poste avancé ». Quand Sami Sadek a, pour la première fois, allumé les lumières du minaret, lueur verdâtre qui porte au loin, deux jeeps Hummer de larmée israélienne ont immédiatement fait irruption. « Cest la lumière qui émane du village dAkaba », a soufflé, poétiquement, le chef du conseil à loreille des soldats. Larmée israélienne a déclaré la guerre au petit village qui dérange ses manuvres. Barrages, ordres de destruction, raids nocturnes, confiscations de cartes didentité, arrestations, expulsions. Sami Sadek ne panique pas. Parlant lhébreu, souriant, accueillant, dun optimisme incurable, il a aussitôt produit une brochure toute en couleurs pour dire au monde, en deux langues, le danger qui plane sur son village et les épreuves quendurent ses habitants. En illustrations à la brochure : la photo des ordres de destruction à lencontre des bâtiments publics quil a construit. Dans la cour bétonnée de sa maison où il est assisté de sa mère âgée et de sa sur avec ses enfants ; et dailleurs tous les enfants du village conduisent avec dextérité son fauteuil roulant dans la pente des rues il déroule son extraordinaire histoire. « Je suis né ici. Jai été blessé ici », dit-il simplement. La cinquantaine, cest en 1971 que les balles lui ont paralysé la moitié inférieure du corps et il est depuis lors dans un fauteuil roulant. « Deux balles ont été retirées à Afoula (à lhôpital) et une est restée, près du cur », dit-il, détaillant son parcours médical. Au fil des ans, des dizaines dhabitants ont été blessés dans le village par des balles perdues de larmée israélienne. Huit ont été tués. En 2000, un « poste avancé » de larmée, comme il dit, a été retiré dici sur ordre de la cour suprême. Il reste un barrage permanent, le barrage de Tayasir, au bout de la route qui descend vers la vallée, et le camp dentraînement en terrain bâti, qui lui se trouve face au village. Akaba est coupé de la vallée du Jourdain. Ni entrée ni sortie, par lest. A louest, la route de Jénine était ouverte cette semaine, quand nous y sommes passés à la mi-journée, mais elle était coupée, quelques heures plus tard, par un barrage placé à limpromptu à hauteur de Zababdeh et une interminable caravane de camions et de voitures y était à larrêt, dans la direction de lest. La routine. A quelle fin a-t-on besoin de dresser un barrage sur une route qui mène à lest, sur un bout de terre où il ny a pas même de colonies, et alors quil y a encore un barrage permanent à peine quelques kilomètres plus loin ? Personne ne pose la question, personne ne répond. Sami Sadek est convaincu quIsraël veut en arriver à expulser de leurs terres tous les habitants du village. « Allez à Tayasir. Là-bas vous disposerez de tous les services », lui a un jour dit le gouverneur militaire, en pointant le doigt vers le village voisin. En octobre 2003, larmée israélienne a démoli plusieurs constructions dans le village dont un réservoir deau. « Ils veulent sans arrêt nous mettre sous pression pour nous faire quitter le village. Les gens dici sont tranquilles, ils ne font pas de problèmes. Les soldats, eux, en font. Il y a quelques années, une jeep est tombée dans loued et les habitants ont aidé les soldats à la dégager. Au lieu de dire merci, les soldats ont dit : partez dici, et quelques jours plus tard, ils nous ont donné un document pour la destruction du dispensaire ». Sami Sadek ne sest pas laissé effaroucher par lordre de destruction du dispensaire et sest empressé, comme à son habitude, de sadresser au monde entier. Il a écrit aux députés Yossi Sarid et Issam Makhoul, téléphoné au consul de Grande-Bretagne dont le gouvernement avait aidé à lédification du dispensaire : « Le Ministre britannique des Affaires étrangères a téléphoné en Israël et a dit quil était interdit de démolir le dispensaire ». Le dispensaire a été sauvé. Jusquà présent. Dans la cour de sa maison, Sami Sadek a un téléphone sans fil ; la table dans le jardin, cest son bureau, vide de tout document : cest le Bureau du Chef du Conseil. Au fond de la cour, il y a une ruche dont le chef du conseil tire un peu de miel. Ses habitants cultivent sur leurs propres terres enregistrées, dit-il, au Tabou du blé, des amandes, des olives, des oignons et du basilic : les plantations non irriguées dAkaba. Une partie des habitants gardent aussi des moutons et des chèvres. « Une fois ils disent zone de tir, une autre fois zone agricole, et ils ne nous laissent rien construire ». Les habitants ont peur de se bâtir des maisons, mais Sami Sadek ne cesse de construire des bâtiments publics avec des contributions internationales, et dans lespoir que le monde des donateurs empêchera leur destruction. La mondialisation version Akaba : « Nous avons un jardin denfants avec une centaine denfants. Ils veulent le démolir, mais des gens nous ont aidé, dAmérique : ils sont allés dire au Congrès quils nous avaient construit un jardin denfants et que les soldats voulaient le détruire ». Il y a quelques mois, des soldats ont arrêté Mohamed Dabek, un jeune pasteur du village, âgé de 16 ans, et ils lui ont confisqué son bétail. Sami Sadek sest adressé à lAssociation [israélienne] pour les Droits du Citoyen et le jeune garçon a été libéré. A cause du barrage établi sur la route, cela fait six ans que Sami Sadek ne sest plus rendu à Jéricho, la ville où il a travaillé pendant 30 ans. Ce sont des médecins venant de Jénine et de Toubas qui constituent le personnel du dispensaire. Le médecin du village, le docteur Navham Wahadan, est mort il y a peu. 80 enfants fréquentent lécole, garçons et filles ensemble, de la classe de première à la huitième. Plusieurs classes se tiennent dans la cour de sa maison du fait que ladministration civile na pas accepté la création dune école pour les enfants du village. Les enfants en âge du lycée vont à lécole à Toubas. Récemment, Sami Sadek a demandé à lAutorité palestinienne un autobus pour le transport des élèves, le minibus du village nétant pas assez grand pour transporter tout le monde. Sa demande na pas encore été agréée et il y a maintenant en Palestine un gouvernement à la fois nouveau et pauvre, et les chances de voir un autobus à Akaba se sont fortement réduites. Un vent agréable remonte de la vallée, une pergola en bois offre son ombre au chef du conseil. Il sest rendu à Naplouse la semaine passée et a été retenu trois heures et demie au barrage. « Je dis au soldat : je suis invalide. Je ne peux pas rester assis pendant trois heures dans la voiture. Le soldat ma répondu : "ça ne mintéresse pas". Cest comme ça quon parle à un invalide. » La route qui a été asphaltée dernièrement au milieu du village, grâce à la contribution de lorganisation américaine dassistance, USAID, larmée israélienne na pas autorisé son achèvement jusquà lextérieur du village. Un chemin de gravier en piètre état conduit donc au village pour se métamorphoser tout à coup en une route neuve. « Jai dit au gouverneur : nous voulons asphalter. Il ma dit : "Interdit. Cest une zone de tirs." Jai demandé au gouverneur : en quoi la route vous dérange-t-elle ? et le dispensaire ? la mosquée ? le jardin denfants ? En quoi dérangent-ils lEtat dIsraël ? Un danger pour lEtat ? Pourquoi ne voulez-vous pas que les gens vivent en paix ? Il ma dit : "Moi, je suis tout petit. Il y a le Ministre de la Défense". » La prochaine menace qui pèse sur Akaba, cest celle de la clôture de séparation de la Vallée. Si la clôture est érigée à louest du village, Akaba pourrait se retrouver totalement coupé de tout ce qui lentoure, comme une enclave-prison. Personne dans le village ne sait où passera la clôture : pourquoi prendre la peine de mettre les gens au courant du sort qui leur est réservé ainsi quà leurs terres ? Mais entre-temps, les géomètres sont déjà venus sur les terres du village, laissant leurs marques, semant une nouvelle menace. « Il sagit dune ruine située sur une zone de tirs. Il y en a beaucoup de semblables. » Le porte-parole de ladministration civile, Adam Avidan, prend soin dappeler le village « Khirbat [ruine] Akaba ». Lancien village a-t-il été fondé après que ses terres aient été déclarées zones de tirs ? Qui était là avant qui, ceux qui sentraînent au combat en terrain bâti ou les paysans labourant leurs terres ? Quelle est la solution pour les habitants du village dont toutes les demandes de permis de bâtir sont rejetées ? Adam Avidan, porte-parole : « Depuis 1997 et jusquaujourdhui, la construction qui se fait à Khirbat Akaba ne saccompagne daucun permis de bâtir ni des autorisations exigées par la loi. Même quand la cour suprême a rejeté la requête des villageois demandant lapprobation de la construction dans le village, la construction illégale sest poursuivie. Lunité dinspection de ladministration civile effectue des contrôles et prend des mesures coercitives, y compris les injonctions à arrêter les travaux et les ordres de destruction visant les bâtiments construits en dehors de la loi. » Les enfants poussent dans les rues du village le fauteuil roulant du chef du conseil qui nous présente ses réalisations. Mashallah, est-il écrit sur un écriteau à côté du jardin denfants quon appelle « le jardin de la justice ». Sur les murs dun blanc éclatant sont dessinés des canards et des roses. Un minuscule terrain de football, plus petit quun terrain de football en salle, mais très soigné. Cela aussi, Sami Sadek la construit dans la cour de sa maison. Sur un mur du tout petit dispensaire, on a pris la peine décrire en hébreu mais avec une faute dorthographe : « Dispensaire médical Akaba ». Les Italiens ont aidé à transformer la dépense de sa maison en deux salles de classe. Lorsque ladministration civile a parlé, il y a environ un an et demi, dexpulser trois familles du village, Sami Sadek a alerté le monde et il a reçu 409 courriels de soutien. Sami Sadek dit que les débuts du village remontent aux Romains. Plusieurs des maisons de pierre du village, en ruines, semblent très anciennes. « Notre village est petit, mais il est beau, pas vrai ? », interroge-t-il sans cesse, en souriant timidement. Devant la cour suprême, larmée israélienne sest engagée à ce que ses soldats naillent pas sur les terres semées, nous raconte Sami Sadek juste au moment où, alors que nous sommes sur le toit du jardin denfants à regarder les champs verdoyants dans la vallée, une autre jeep de larmée de défense leur passe à travers, écrasant les sillons labourés. (Traduction de l'hébreu : Michel Ghys) Transférons largent de la mort en argent de la vie Mille milliards investis dans ce qui détruit 10 milliards suffirait pour que tous aient accès à leau potable. Gideon Lévy Haaretz, 20 avril 2006 Source: www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=707452 Version anglaise : www.haaretz.com/hasen/spages/707608.html Home|Qui sommes-nous ?| Archives | Liens |Contact | haut de page Aide Sanitaire Suisse aux Palestiniens (ASSP) 15, rue des Savoises 1205 Genève Tél. 0041(0)22/329.82.13