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environnement / énergie - 26/04/2006, 10:30
Les conséquences d’un barrage sur les poissons
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Les conséquences d’un barrage sur les poissons
Vue aérienne du barrage de Petit Saut
crédit : www.cg.ensmp.fr
La création d’un barrage entraîne des bouleversements importants de l’environnement
notamment sur la diversité des peuplements de poissons.


Une équipe de l’IRD vient de publier les résultats de dix ans d’études sur le barrage de Petit Saut en Guyane française. À partir des comparaisons des espèces présentes, de leur alimentation et de leurs stratégies de reproduction, avant et après la mise en eau du barrage, les chercheurs ont mis en évidence une diminution significative de la diversité piscicole à l’aval du barrage, en relation avec les modes de vie des poissons. Les barrages sont des outils de développement économique, ils sont donc souvent implantés dans des régions à forte densité de population où les rivières ont un intérêt crucial. La question de leurs impacts sur l’écosystème est donc majeure.

La décision d’utiliser l’énergie hydroélectrique en Guyane française fut prise par EDF dans les années 70 afin de répondre à la demande croissante en énergie pour le centre spatial guyanais. Un barrage sur le fleuve Sinnamary a été mis en activité en 1994 au lieudit Petit Saut, situé dans le centre du pays à 60 km en amont de l’estuaire.
Les impacts d’un barrage sur les caractéristiques physiques et chimiques de l’environnement aval sont importants. En particulier, il interrompt le cours normal de la rivière et modifie le régime de crues naturelles. L’étude publiée par Bernard de Mérona, chercheur à l’IRD, en collaboration avec HYDRECO (Laboratoire de Recherche en Environnement Barrage Petit Saut) et l’Université de Goias au Brésil avait pour objectif d’estimer les effets du barrage sur la diversité et la structure des communautés piscicoles. Ils ont testé le rôle de l’alimentation et des processus de reproduction des espèces, comme facteurs pouvant contribuer à l’extinction des populations de poissons. Grâce à des prélèvements réguliers à différents endroits de la rivière pendant une dizaine d’années, les chercheurs ont observé une nette diminution du nombre d’espèces présentes après la mise en eau du barrage, avec 10 espèces disparues sur une moyenne de 45 capturées avant le barrage. Deux espèces, non observées jusque-là, sont apparues après fermeture du barrage. De plus, une analyse des similarités pré et post-barrage a montré que les espèces abondantes était très différentes d’une période à l’autre.

À Petit Saut, les espèces de poissons sont diversement affectées par les modifications de leur environnement selon leurs stratégies de recherche de nourriture.
Ce sont les espèces détritivores, adaptées à la consommation de détritus et d’algues fixées sur les substrats, qui connaissent la plus forte augmentation. En aval du barrage de Petit Saut, ces aliments sont très abondants. En effet, la production d’algues est favorisée par la grande quantité de nutriments provenant de la retenue et par une augmentation de pénétration de lumière, ce qui stimule leur croissance.
En revanche, certains poissons se nourrissent d’aliments d’origine terrestre (insectes, fruits) qui tombent dans l’eau lorsque, durant les crues, la rivière est en contact avec la forêt. Un régime hydraulique modifié, avec une fréquence et une durée d’inondation réduites, diminue donc leurs opportunités de se nourrir et entraîne une diminution de leur population.
Les stratégies de reproduction sont vraisemblablement également impliquées dans la survie des populations de poissons en aval du barrage. Cependant, au niveau de l’ensemble du peuplement, ces modifications des processus de reproduction sont encore peu perceptibles et, donc, ne sont pas significatives statistiquement.
Le barrage de la rivière Sinnamary a fortement modifié la diversité et la composition des communautés de poissons en aval. Les chercheurs ont montré que la capacité des populations de poissons de se maintenir dans la rivière régulée est liée à leurs habitudes alimentaires. Les détritivores semblent avoir développés la stratégie de survie la mieux réussie à Petit Saut. Cependant, cette efficacité varie selon les situations géographiques des barrages car elle est très dépendante des conditions dans la rivière naturelle.
C’est pourquoi, les recherches antérieures sur l’impact des barrages ne donnent pas des résultats homogènes. La grande diversité des conditions d’étude rend les comparaisons difficiles, notamment pour les observations sur les grandes rivières tropicales où les communautés de poissons sont très diversifiées.

Cette étude a permis de montrer que les stratégies vitales des espèces, la recherche d’alimentation et la reproduction, et leur répartition au sein des peuplements jouent un rôle significatif dans leur maintien au sein du milieu : celui-ci déterminerait, dans une certaine mesure, l’organisation fonctionnelle des peuplements de poissons. Cette approche par le biais des stratégies permettrait de s’affranchir de la composition faunistique propre à chaque rivière et ainsi d’avancer des prévisions généralisables sur le devenir des poissons en aval des barrages.
Ces résultats contribuent à la compréhension des réponses des poissons face à une perturbation majeure induite par la construction d’un barrage en milieu tropical. Cette connaissance revêt une importance capitale pour anticiper les impacts de ce genre d’ouvrage, en particulier sur les ressources piscicoles. La même approche, développée ici à l’aval des
barrages, est d'ailleurs applicable dans les réservoirs. L’ensemble de ces résultats est rassemblé dans un ouvrage récemment paru (1).

Rédaction
IRD : Aude Sonneville

Note
Mérona B. de, Le fleuve, le barrage et les poissons. Le Sinnamary et le barrage de Petit-Saut en Guyane fran-Rédaction – IRD : Aude Sonneville çaise. Par Editions IRD, 2005 : 135 p.

Références
Mérona B. de, Le fleuve, le barrage et les poissons. Le Sinnamary et le barrage de Petit-Saut en Guyane française. Par, Editions IRD, 2005 : 135 p.
Mérona B. de, Vigouroux R. and Tejerina-Garro F.L. Alteration of fish diversity downstream from Petit-Saut Dam in French Guiana. Implication of ecological strategies of fish species. Hydrobiologia, 2005, 551 :33-47

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2 commentaires sur cette actualité !
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Pierre Darmangeat / Indre-et-Loire - 26/04/2006, 13:26
Ils sont gentils, les ingénieurs et scientifiques : pourquoi un barrage sous les tropiques n'aurait-il pas exactement les mêmes effets sur la population de poissons et la biologie de la rivière en aval, que sous nos latitudes ? Il n'est que de voir les ravages causés sur toutes les rivières et tous les torrents barrés à qui mieux mieux dans nos montagnes (et notamment en Auvergne), pour comprendre. Stagnation des boues alluviales en amont, réchauffement de l'eau en aval dû à un niveau trop bas, puis lâcher des eaux du barrage avec les boues détruisant les frayères, installation d'algues recouvrant le substrat, disparition des insectes et larves aquatiques vivant en eaux vives et oxygénées, apparitions d'organismes vivant normalement des kilomètres plus en aval… Tous les pêcheurs de truite et d'ombre, tous les amoureux de nos cours d'eau savent ça depuis belle lurette. Si les barrages, grands et petits peuvent avoir une justification économique, nul n'ignore leurs effets on ne peut plus néfastes sur la biologie originelle du cours d'eau qu'ils bouleversent. Toutefois, certains sont parfois utiles à certaines espèces, notamment d'oiseaux comme le réservoir Marne (appelé lac du Der-Chantecoq) mais, dans l'ensemble, les bénéfices biologiques sont bien minces par rapport aux destructions.
Bien à vous.
Gaetan, Strasbourg - 27/04/2006, 08:45
Pour répondre à Pierre, je crois que dans cette article on ne parle que des tropiques car l'IRD est un organisme de recherche qui s'intéresse aux milieux tropicaux.
Mais je suis tout à fait d'accord avec vous, pour remarquer que la moindre modification d'un milieu entraine une modification du cortège animal et végétal (même si l'énergie hydraulique est perçue comme une énergie renouvelable).
Il faut donc que chacun d'entre nous limite ses consommations, mais ce-ci est une autre histoire!
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