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samedi 16 décembre 2006
 
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Au sommaire du 7 septembre 1992

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TIR DE BARRAGE

Le traité imprime déjà sa marque à nombre de décisions du pouvoir, qu’il s’agisse du remodelage de la politique agricole commune, de la réforme de l’UNEDIC, de l’accélération des licenciements économiques, de l’austérité salariale et budgétaire. Explication

DANS le tir de barrage idéologique des partisans du « oui » pour s’opposer à un choix libre et souverain du peuple français en faveur du « non » à Maastricht, le chantage à la catastrophe économique et financière tient une place grandissante. Ainsi, si le « non » l’emportait, ce serait l’apocalypse, la crise, l’enfermement de la France sur elle-même, l’hégémonie allemande et américaine assurée. A cette tentative de paralyser le libre choix de chacun par le chantage au chaos, il convient de répondre avec ténacité en s’appuyant à la fois sur l’expérience vécue et les implications économiques réelles du traité de Maastricht.

Quelle est la réalité économique d’aujourd’hui ? Les maîtres chanteurs du chaos économique pour demain vont-ils faire croire qu’à l’heure actuelle la situation serait bonne ? La crise ravage depuis plusieurs années et au présent les tissus économiques et humains. Trois millions de chômeurs en France, deux décennies d’austérité, l’atonie de la croissance, la spéculation financière débridée, le gâchis des atouts productifs industriels et agricoles, les taux d’intérêt prohibitifs... Et tous les organismes économiques nationaux et internationaux qui reconnaissent le « ratage » sans cesse renouvelé de la « reprise » en France, comme dans tous les grands pays capitalistes. Le désordre économique, ce ne sont pas seulement les à-coups spéculatifs de la peur des possédants sur le cours des monnaies ou de la Bourse, c’est la réalité économique d’aujourd’hui vécue par des millions de familles en France et des milliards d’hommes sur la planète, notamment dans le tiers-monde. L’humanité est dans le chaos économique, fruit d’une course au profit sans rivage.

Quant aux krachs boursiers et monétaires, l’actualité de ces dernières années a bien montré qu’ils naissent régulièrement d’une hypercroissance financière. Ce qui menace en Europe, ce n’est pas le « non » à Maastricht du peuple français, mais bien que trente fois plus de capitaux que de marchandises circulent aujourd’hui dans la CEE.

En quoi Maastricht et sa logique impriment-ils déjà leurs marques aux choix du capital et avec quelles conséquences ? Pour s’en tenir à ces seuls derniers mois, ils ont été tristement fertiles en décisions visant à préparer l’Europe de Maastricht : remodelage cruel de la politique agricole commune, révision en baisse des indemnités de chômage, accélération des licenciements économiques, accentuation de l’austérité salariale et budgétaire... Les exemples foisonnent. Autant de choix guidés par la pression multiforme à l’encontre des dépenses pour les hommes et leur développement, pour la croissance financière et la mise en concurrence sauvage des peuples. Au mépris, y compris, du développement économique du continent, comme l’a illustré en juillet l’accord dans l’industrie électronique entre l’américain IBM, le japonais Toshiba et l’allemand Siemens.

Quelles seraient les conséquences économiques d’une mise en oeuvre des accords de Maastricht ? « L’Humanité » du 1er septembre dénonçait à juste titre la tenue au secret de toutes les études économiques, émanant pourtant souvent d’« experts » favorables au « oui » sur les vraies conséquences économiques de Maastricht : réduction des potentiels de croissance des pays, austérité renforcée, chômage élevé. Les grands patrons eux-mêmes préviennent : d’Agnelli, le patron de Fiat, déclarant que l’« on devra peut-être s’habituer à un taux de chômage élevé », à François Perigot, le président du CNPF, indiquant à propos de l’Europe sociale : « Le problème n’est pas de savoir si on peut mieux faire, mais si on peut conserver »... Qu’en termes pudiques ces choses-là sont dites ! Ajoutons qu’avec la monnaie unique et une Banque centrale européenne sous influence des marchés financiers les plus puissants, c’est la tentative structurelle aggravée de mettre en place des instruments de coercition pour tenter d’enfermer les peuples dans le carcan des dogmes capitalistes les plus nocifs. Une sorte de version européenne du rôle que joue le FMI contre les peuples du tiers-monde dans les politiques dites « d’assainissement ».

Tout montre donc que, de la réalité d’aujourd’hui aux perspectives pour demain, non seulement le chantage au chaos économique est infondé, mais que toutes les causes structurelles et conjoncturelles de la crise du capitalisme se verraient tendanciellement approfondies par la mise en oeuvre des accords de Maastricht.

Loin du chaos annoncé, une victoire du « non » nourrirait, au contraire, des atouts nouveaux pour dégager le chemin vers des choix économiques et humains plus positifs. L’économie n’est pas d’abord une affaire de technique, elle est fondamentalement le produit de ce qu’impriment des rapports de forces en faveur du développement des atouts productifs et des hommes dans l’utilisation des ressources économiques. Améliorer la santé de l’économie passe par l’imposition de reculs nationaux et internationaux au pillage de ces ressources et des peuples par le profit.

Une victoire du « non » aiderait tous ceux qui agissent pour porter un coup d’arrêt et inverser les politiques d’austérité : des salariés des chantiers navals de La Ciotat aux agriculteurs menacés par les friches européennes, en passant par les ingénieurs et techniciens du CEA menacés d’un démantèlement de leur organisme public. Plus généralement, la question cruciale d’une remise en cause des politiques de précarisation et de régression sociale sans laquelle on ne peut renouer avec une nouvelle croissance se trouverait dynamisée. Une victoire du « non » donnerait de l’oxygène à d’autres choix économiques et sociaux favorables à l’emploi et aux dépenses utiles contre les gaspillages du capital.

Sur le plan international, une victoire du « non » aiderait le peuple français et toutes les autres forces démocratiques en Europe pour les luttes en faveur de coopérations internationales se dégageant des diktats des choix des grands groupes de financiers qui ne produisent en Europe que développement inégal, coopérations dominées par la finance et racket des peuples.

En ce sens, une victoire du « non » serait celle, d’un même pas, de la démocratie et de l’économie où le peuple contesterait le monopole des « décideurs » financiers et politiques d’aujourd’hui à imposer leurs dogmes et leurs peurs de possédants face à des citoyens qui décideraient de faire des choix économiques leur affaire vivante.

Jean-Paul Duparc.

Article paru dans l'édition du 7 septembre 1992.

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