#POUR.press » Flux POUR.press » Flux des commentaires POUR.press » Flux iCal POUR.press » Qu'est-ce qu'un mouvement social ? L'exemple des « Gilets jaunes ». Flux des commentaires alternate -- + Toutes les catégories o Politique économique o Économie sociale o Travail / Emploi o Libre-échange -- o Société numérique o Presse o Luttes sociales o Santé o Justice -- * Culture + Toutes les catégories o Action-animation culturelle o Littérature o Théâtre -- + Accueil » Chronique » Qu'est-ce qu'un mouvement social ? L'exemple des « Gilets jaunes ». Qu'est-ce qu'un mouvement social ? L'exemple des « Gilets jaunes ». Publié le 29 janvier 20193 avril 2019par Guy Bajoit Guy Bajoit Guy -- Ma chronique précédente (la 8^ème) avait pour objet de proposer la création d'un « mouvement social clientarien ». Selon moi, celui-ci redonnerait un sens aux luttes de classes d'aujourd'hui, en les adaptant au capitalisme néolibéral. Hélas, c'est plus facile à dire qu'à faire. C'est pourquoi, cette 9^ème chronique et la suivante seront consacrées aux conditions de possibilité d'un tel mouvement social. Or, nous venons précisément d'avoir sous les yeux un exemple significatif, celui des « Gilets jaunes », qui prouve que ce type d'action est possible. Analysons-le ici, à la lumière de ce que les sociologues savent (ou croient savoir) des mouvements sociaux. 1- Construire un mouvement social n'est pas toujours possible Promouvoir un mouvement social, c'est toujours construire un « nous » (une solidarité entre des « je »), qui s'engage dans un échange conflictuel contre un « eux » (un adversaire), au nom d'un bien -- les manifestations de rue, le boycott, etc.)^[1] Construire une telle forme d'action est souvent très difficile, et parfois même impossible, parce que tous ceux qui sont victimes d'une privation (d'un bien quelconque) ne sont pas disposés à s'engager dans une action collective conflictuelle. Et ce, pour trois raisons au moins : -- b) La seconde raison est que, même ceux qui ressentent de l'indignation ne se mobilisent pas toujours dans un mouvement social. Ils cherchent souvent d'autres réponses possibles que de s'engager dans un conflit ouvert et ils se donnent pour cela de bonnes raisons : « Ce n'est pas -- problème (ils échappent peu ou prou au néolibéralisme), mais ne présentent pas de véritable menace pour le « système » ; parfois même, leurs actions sont « fonctionnelles »[2] par rapport à ce « système ». c) La troisième raison est que, même, ceux qui se mobilisent ne -- qui les avait provoquées. Bref, la formation d'un mouvement social efficace passe par la résolution des trois problèmes que je viens de signaler. Il faut que ceux qui sont privés s'indignent, que les indignés se mobilisent, et que les mobilisés s'organisent. Mais pour qu'il en soit ainsi, il faut que certaines conditions soient réunies : certaines de celles-ci peuvent être créées par l'action du mouvement lui-même, mais d'autres sont indépendantes de son intervention, donc hors de sa portée. Je précise que les conditions que je vais citer ci-après ne sont pas des -- soumis à des causes efficientes (à un déterminisme absolu). Chacune des conditions citées ci-dessous est utile, contribue à la formation d'un mouvement social, augmente la probabilité de sa survenance, mais celle-ci peut aussi se produire si certaines d'entre elles manquent à l'appel. C'est pourquoi les mouvements sociaux sont le plus souvent imprévisibles : qui avait prévu le mouvement des Gilets jaunes ? 2- Les conditions d'efficacité d'un mouvement social a) De la privation à l'indignation -- non : il peut aussi n'être qu'un bouc émissaire). L'exemple du mouvement des « Gilets jaunes » Ils sont incontestablement très indignés ! Que le gouvernement Macron veuille faire payer par eux, qui ont déjà tant de mal à joindre les deux bouts en fin de mois, une taxe sur les carburants pour financer la -- pourtant, valorise au plus haut point l'accès à la consommation. L'utopie qui inspire leur indignation, c'est la justice, l'égalité sociale, alors que les inégalités de pouvoir d'achat sont déjà trop grandes et ne cessent de croître. Or, ils avaient espéré qu'après la débâcle de F. Hollande et des socialistes, tout irait mieux, grâce à E. Macron : un homme nouveau, jeune, intelligent, plein de promesses, qui n'appartenait à aucun de ces vieux partis corrompus et inutiles. En lui, ils avaient déposé toute leur espérance. Et voici que ce président -- de leur indignation.[3] Ce sentiment d'injustice, d'abandon, a été préparé par plusieurs gouvernements successifs (déjà depuis F. Mitterrand) : il constitue une « rupture du pacte social implicite » entre les élites et leur peuple, suite au « démantèlement progressif des protections apportées par l'État [...] qui, en France, a joué un -- Pour que des individus, tout indignés qu'ils soient, se décident à participer à une action collective conflictuelle, à se solidariser avec les autres et à entreprendre des actions (qui ont toujours des coûts : le temps passé, l'énergie dépensée, les risques encourus, l'argent dépensé..), il faut encore d'autres conditions. Il est utile : -- __________________________________________________________________ [1] On aura reconnu les trois principes constitutifs d'un mouvement social selon Alain Touraine : l'identité (« nous »), l'opposition (« eux ») et la totalité (« l'enjeu »), auxquels j'en ajoute un quatrième (« les méthodes »). -- Selon le sociologue Alexis de Tocqueville, « la profonde déception de cet espoir aurait déclenché la révolution », qui a coûté sa tête au roi ! Leçon de l'histoire qu'E. Macron aurait dû méditer soigneusement avant de lancer son « grand débat national » ! Que se passera-t-il quand les propositions de réforme qui en sortiront seront bloquées - -- premiers, mais au contraire, ceux qui souffrent le moins de la domination : les ouvriers les plus qualifiés, les femmes de la petite-bourgeoise, les noirs en voie d'ascension sociale..., parce qu'ils courent moins de risques en se mobilisant puisqu'ils disposent de plus de ressources. -- professeur associé à l'Université de Lille I, puis chargé de cours et professeur à la FOPES (Faculté ouverte de politique économique et sociale de l'UC). Il est actuellement « professeur émérite ». Son engagement politique a commencé par une solidarité avec les Palestiniens, puis avec le MIR bolivien, ensuite avec la gauche latino-américaine, en particulier avec celle du Chili. Ses recherches et son enseignement ont porté sur : le développement, l'action collective, la jeunesse, le changement social et culturel, la subjectivation de l'individu... Depuis sa retraite, il s'intéresse à la sociologie de l'histoire. Pour en savoir plus sur sa carrière -- Posted in Analyses politiques, Chronique, Featured, Politique Tagged Gilets jaunes, Mobilisation, Mouvement social Navigation de l'article