Agrandir L'auteur Frédéric Martel se penche, dans Mainstream, sur l'impact culturel du mode de vie américain. Photo: Ivanoh Demers, La Presse -- Suivre @PaulJournet Pendant cinq ans, le journaliste français Frédéric Martel s'est promené un peu partout sur la planète pour cartographier l'américanisation de la culture et la progression d'autres cultures de masse. Après 30 pays visités et environ 1250 entrevues, il a accouché de Mainstream, une enquête - et non un livre à thèse - de 464 pages. Nous l'avons rencontré lors de son récent passage à Montréal. Q Que signifie votre concept de mainstream? Est-ce la culture populaire de façon générale, ou la culture américaine? R Si on me reproche que le sens du mot reste vague dans mon livre, on aura raison. Ce n'est pas un concept. C'est un mot polysémique qui renvoie à tous les courants de masse en culture. Mais le courant dominant parmi eux, c'est bien sûr l'américanisation du monde. -- R La mondialisation et les nouvelles technologies ne me semblent pas affaiblir des particularismes comme celui de la société québécoise. L'attirance pour une culture globalisée n'implique pas l'effacement des cultures nationales, du cinéma, du théâtre et de la danse avec une identité locale. Peut-être que je suis un optimiste, mais il s'agit, selon moi, d'une globalisation positive. Q La moitié des exportations culturelles mondiales sont américaines. Évidemment, cela se traduit par beaucoup, beaucoup d'argent. Mais les Américains en bénéficient-ils d'une autre façon? Par une certaine contamination de l'american way of life? R Cela contribue à l'influence des États-Unis en diffusant leurs goûts et leurs valeurs, comme l'esprit de liberté, la libération des femmes et des Noirs ainsi que les droits des gais. Malgré ce qu'on dit souvent, les pays arabes sont fascinés par cette culture. On prétend que cette culture est une source de domination, mais c'est aussi une source d'émancipation. -- Q D'autres pays réussissent. Votre ouvrage traite par exemple des telenovelas du Brésil, de Bollywood en Inde ou des feuilletons du ramadan dans le monde arabe. Ces productions diffèrent-elles beaucoup de celles des États-Unis? R Bien sûr, il y a des différences, par exemple dans la religion. Mais quand on touche beaucoup de gens, on fait inévitablement des produits similaires. C'est même vrai pour les deux principaux contradicteurs des États-Unis, la Chine et les pays arabes. Ils prétendent défendre d'autres valeurs avec leur culture. Mais quand on les interroge, ils parlent de protéger la famille, limiter la violence et le sexe, etc. Ils croient lutter contre les États-Unis, mais ils reprennent souvent les valeurs de Disney et de la Motion Picture Association of America, le lobby d'Hollywood. Q Quel est le meilleur prétendant pour concurrencer la culture américaine d'ici 50 ans? R Les pays dits émergents, ils émergent avec leur culture. Il faudra donc compter avec la Chine, l'Inde, le Brésil, la Corée du Sud et la Russie. Mais pour le reste, j'évite la prospective. Il y a cinq ans, je n'avais pas entendu parler de Twitter. Il y a 10 ans, je n'avais pas entendu parler de YouTube ou de Facebook. Il faut relativiser notre capacité à prédire.